L’impressionnante progression des cours des crypto-monnaies (bitcoin, ethereum, litecoin etc…) et l’augmentation tout aussi considérable des sommes investies dans ces valeurs posent évidemment la question de leur régime d’imposition. Leur capitalisation, qui représente déjà plusieurs centaines de milliards de dollars, essentiellement en plus-value, constitue une base taxable considérable pour les années à venir.

Nous évacuerons rapidement la question de l’imposition du patrimoine puisque la suppression de l’ISF, remplacé l’IFI, devrait sortir les crypto-monnaies de l’assiette de cette imposition.

Reste la question bien plus épineuse de l’imposition des revenus dégagés par la vente de ces crypto-monnaies.

Est-il pertinent de parler de gains de change alors que la nature même de ces actifs est incertaine?

S’agit-il de revenus issus de la simple gestion de son patrimoine, « en bon père de famille » ou bien du produit d’une activité spéculative intensive, assimilable à des revenus professionnels?

Ces questions étant extrêmement nouvelles, en tous les cas au regard du temps fiscal, elles n’ont pas encore donné lieu à une législation ou une jurisprudence spécifique.

Nous évoquerons dans un premier temps la position de l’administration fiscale sur ce sujet, avant d’en proposer une première critique.

Position de la doctrine administrative.

L’administration fiscale, dont la doctrine sur le sujet du bitcoin remonte à 2014, va distinguer deux cas :

a) Les gains issus de cessions de bitcoin opérées à titre occasionnel (BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40-20160203, n°1080)

http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/2824-PGP.html?identifiant=BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40-20160203

Il s’agira des cessions peu fréquentes, qui ne seront pas assimilées à une activité professionnelle à proprement parler, mais plus à la simple gestion du patrimoine. Les gains seront soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des Bénéfices non commerciaux (BNC).

En pratique, les gains constatés seront donc soumis à l’impôt sur le revenu suivant le barème progressif, auquel s’ajouteront les contributions sociales (CSG,CRDS, PS etc…) pour un taux d’imposition pouvant donc allègrement dépasser les 60%.

b) Les gains issus de cessions de bitcoin opérées à titre habituel (BOI-BIC-CHAMP-60-50-20140711, n°730)

http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4755-PGP.html?identifiant=BOI-BIC-CHAMP-60-50-20140711

Il s’agira ici des cessions fréquentes et/ou importantes au regard des revenus d’activités du contribuable. L’achat-revente de crypto-monnaie sera alors considéré comme une activité commerciale, relevant par nature des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

En pratique, au regard de l’impôt sur le revenu cela ne change pas grand chose, le bénéfice constaté sera soumis à l’impôt suivant le barème progressif ainsi qu’aux prélèvements sociaux.

Toutefois, cela pourra rendre applicable le risque de majoration de 25% du profit imposable en cas de non adhésion à un centre de gestion agréé.

La petite cerise sur le gâteau c’est que, l’activité étant considérée comme professionnelle, les cotisations sociales (URSSAF, retraite…), et bien entendu toutes sortes d’obligations comptables et administratives, pourront venir s’y ajouter.

Enfin, la distinction entre activité occasionnelle et habituelle est purement subjective et s’apprécie au cas par cas. Elle constitue donc un véritable nid à contentieux.

Commentaire de la position de l’administration ;

Autant le dire d’entrée de jeu, cette position de l’administration fiscale est donc particulièrement sévère, peu engageante et peu sécurisante pour les investisseurs en herbe. Même si elle est propre au Bitcoin, elle est manifestement transposable à l’ensemble des crypto-monnaies.

Par ailleurs, la doctrine indique bien que « les gains sont imposables, quelle que soit la nature des biens ou valeurs contre lesquels les bitcoins sont échangés. »

Il faut donc faire très attention non seulement avant de revendre ses bitcoins contre des euros, mais aussi avant de les échanger contre d’autres crypto-monnaies!

Mais la position de l’administration entraîne toutefois quelques conséquences favorables qui en atténuent la rigueur.

Si vos gains de cession sont inférieurs au seuil du régime micro-BIC ou micro-BNC (82800 ou 33200 euros actuellement), ils bénéficieront ;

  • d’un abattement de 34% pour les activité non commerciales (opérations à titre occasionnel) ;
  • d’un abattement de 50% pour les activités commerciales (opérations à titre habituel) ;

Cet abattement ne pouvant être actuellement inférieur à 305 euros, votre imposition sera donc nulle si les gains sont inférieurs ou égaux à cette somme.

Il est par ailleurs prévu que ces plafonds soient plus que doublés par la nouvelle loi de finances (1700000 ou 70000 euros).

Mais chacun conviendra que si ce régime d’imposition peut être supportable pour des gains modérés, il va devenir extrêmement dissuasif pour des gains importants. Or l’emballement des crypto-monnaies peut laisser espérer de tels gains, au moins pour les investisseurs les plus heureux.

Dans cette hypothèse, deux pistes doivent être explorées.

Tout d’abord, bien entendu, contester la position de l’administration et faire valoir que les gains en question, qui sont en réalité des gains de placement, devraient suivre le même régime que les autres revenus mobiliers. Or la nouvelle loi de finances a prévu d’harmoniser les revenus de cette nature, en plafonnant leur imposition à 30% (impôt sur le revenu + prélèvements sociaux).

Sur ce point, une clarification de l’administration, voire une précision législative, serait la bienvenue pour éviter de nombreux contentieux fiscaux dans les années à venir.

Quoi qu’il en soit, en cas de contrôle et de rectification par l’administration fiscale sur ce sujet, il paraît opportun de se défendre, et de prendre l’assistance d’un conseil spécialisé (comme par exemple notre Cabinet).

Une hypothèse alternative, et plus prudente, serait de localiser ces opérations, lorsqu’il apparaît qu’elles deviennent importantes, dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés. En effet, le taux d’imposition sera alors bien moindre en cas de bénéfices conséquents. Il va de soi qu’il est alors nécessaire de se rapprocher d’un conseil (comme par exemple notre cabinet) pour définir la meilleure stratégie à adopter.

Ces éléments sont à mon sens essentiels, non seulement pour éviter une imposition trop lourde, mais aussi pour préserver la capacité de réinvestissement des investisseurs français. A défaut, certaines crypto-monnaies étant produites en nombre limité, la grande majorité de celles-ci pourrait tout simplement échapper à la France et se retrouver détenues par les résidents de pays taxant ces profits de manière plus modérée. En surtaxant les crypto-monnaies, la France se sera alors tiré une balle dans le pied.

(article à jour au 12 décembre 2017).